Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/259

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Il y a bien d’autres sensations intimes de ce genre. Il y a des souvenirs qui semblent ceux d’une autre vie, des enfans qui viennent au jour avec des douleurs qu’on dirait contractées dans la tombe, car l’homme quitte peut-être le froid du cercueil pour rentrer dans le duvet du berceau. Qui sait ? n’avons-nous pas traversé la mort et le chaos ? Ces images terribles nous suivent dans tous nos rêves ! Pourquoi cette vive sympathie pour des existences effacées, pourquoi ces regrets et cet amour pour des êtres qui n’ont laissé qu’un nom dans l’histoire des hommes ? N’est-ce pas peut-être de la mémoire qui s’ignore ? Il me semble parfois que j’ai connu Shakespeare, que j’ai pleuré avec Torquato, que j’ai traversé le ciel et l’enfer avec Dante. Un nom des anciens jours réveille en moi des émotions qui ressemblent à des souvenirs, comme certains parfums de plantes exotiques nous rappellent les contrées qui les ont produites. Alors notre imagination s’y promène comme