Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/30

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s’exclure ou qu’elles s’étouffent mutuellement ?

— C’est parce que nous savons les distinguer, dit Lélia. J’ai bien connu les généreux plaisirs de l’ame séparée de la matière ; mais ils ne me suffisaient pas ; car l’égoïsme humain est féroce, il est indomptable, il se relève sans cesse, il nous ronge sourdement, ou s’éveille en nous déchirant tout-à-coup. Vous avez raison de railler l’ambition gigantesque de l’amour platonique. En vain l’esprit cherche à s’élever, la souffrance le ramène toujours à terre. Oh ! je m’en souviens ; durant ces nuits embrasées que je passai près des flancs d’un homme, j’ai bien étudié les révoltes de l’orgueil contre les vanités de l’abnégation ; j’ai senti qu’on pouvait en même temps aimer un autre que soi au point de se soumettre à lui, et s’aimer soi-même au point de ressentir de la haine contre celui qui nous subjugue.

— Et puis, dit Pulchérie en adoucissant le