Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/33

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brisée dans de féroces embrassemens, il s’endormait insouciant et rude à mes côtés, tandis que je dévorais mes sanglots pour ne pas l’éveiller. Ô misère et asservissement de la femme ! vous êtes tellement dans la nature, que la société aurait dû s’efforcer au moins de vous adoucir !

» Pourtant je l’aimais avec passion, ce maître de mon choix, que j’acceptais comme une nécessité fatale, que je vénérais avec une secrète complaisance pour moi-même, parce que je l’avais choisi. Je l’aimais follement. Plus il me faisait sentir sa domination, plus je la chérissais, plus je mettais d’orgueil à porter ma chaîne. Mais aussi je recommençais à maudire ma servitude au premier instant de liberté que son oubli ou son indolence me laissait. Je me faisais de mon amour une religion, une vertu au moins ; mais je voulais qu’il m’en sût gré, lui qui n’obéissait qu’à une préférence instinctive. J’avais tort. Il ne pouvait que mépriser mon héroïque fai-