Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/34

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blesse, quand moi je chérissais son lâche empire sur moi…

» Ce qui fit que je l’aimai long-temps (assez long-temps pour user toute mon ame), ce fut sans doute l’irritation fébrile produite sur mes facultés par l’absence de satisfaction personnelle. J’avais près de lui une sorte d’avidité étrange et délirante qui, prenant sa source dans les plus exquises puissances de mon intelligence, ne pouvait être assouvie par aucune étreinte charnelle. Je me sentais la poitrine dévorée d’un feu inextinguible, et ses baisers n’y versaient aucun soulagement. Je le pressais dans mes bras avec une force surhumaine, et je tombais près de lui épuisée, découragée de n’avoir aucune manière possible de lui exprimer mon enthousiasme. Le désir chez moi était une ardeur de l’ame qui paralysait la puissance des sens avant de l’avoir éveillée ; c’était une fureur sauvage qui s’emparait de mon cerveau, et qui s’y concentrait exclusivement. Mon sang se glaçait,