Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/57

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res, un engourdissement profond suivait mon réveil, et me rendait incapable pour tout un jour de volonté ou d’intérêt quelconque. À ces momens-là ma vie ressemblait à celle des religieux abrutis par l’habitude et la soumission. Je marchais lentement et durant un temps limité. Je chantais des psaumes dont l’harmonie endormait ma souffrance, sans qu’aucun sens arrivât de mes lèvres à mon ame. Je me plaisais à cultiver des fleurs sur les escarpemens de ces âpres constructions où elles trouvaient du sable et du ciment pulvérisé pour enfoncer leurs racines. J’allais contempler les travaux de l’hirondelle, et défendre son nid des envahissemens du moineau et de la mésange. Alors tout retentissement des passions humaines s’effaçait dans ma mémoire. Je suivais machinalement et par coutume la ligne de captivité volontaire tracée par moi sur le sable, et ne songeais pas plus à la franchir que si l’univers n’eût pas existé de l’autre côté.