Page:Sand - L Homme de neige vol 2.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et le baron s’endormit les yeux ouverts, comme un cadavre.

Au bout de quelques instants, ses paupières se détendirent et s’abaissèrent ; le docteur lui toucha le pouls, qui était plein et lourd. Le baron avait besoin, selon lui, d’être saigné ; mais comment l’y décider ?

— La tâche de faire vivre cet homme en dépit du ciel et de lui-même est ingrate, odieuse, impossible, pensa le pauvre médecin. Ou il a de fréquents accès de folie, ou sa conscience est chargée de remords. Je me sens devenir fou moi-même auprès de lui, et les terreurs de son imagination me gagnent, comme si, en m’efforçant de conserver sa vie, je devenais le complice de quelque iniquité !

Mais ce jeune homme avait une mère et une fiancée. Quelques années d’une tâche lucrative devaient le mettre à même d’épouser l’une et de tirer l’autre de la misère. Il restait donc là, cloué à ce cadavre sans cesse galvanisé par les ressources de son art, et, tantôt dévoué à son œuvre, tantôt brisé de fatigue et de dégoût, il ne savait parfois s’il désirait la guérison ou la mort de son malade. Ce garçon avait une âme douce et des instincts naïfs. Le commerce continuel d’un athée le froissait, et il n’avait pas le droit de défendre ses croyances ; la contradiction exaspérait le malade. Il était sociable et enjoué ; le malade