Page:Sand - L Homme de neige vol 2.djvu/298

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le métier d’avocat. Il peut soutenir et faire accepter les plus énormes mensonges.

— Taisez-vous, mon neveu, vous n’avez pas la parole ! Je dis que… Mais tu n’es qu’un ingrat, Christian ! Tu n’es pas avocat, et tu te plains ! Tu peux chercher la vérité générale sous toutes les fictions possibles, et tu te lasses de la faire aimer aux hommes ! Tu as de l’esprit, du cœur, de l’instruction, du savoir-vivre, et tu te qualifies de saltimbanque pour rabaisser ton œuvre et l’abandonner peut-être ! Voyons, malheureux, est-ce là ton idée ?

— Oui, c’est ma résolution, répondit Christian, j’en ai assez. J’ai cru que je pourrais aller plus longtemps, mais l’incognito prolongé me fatigue comme une puérilité indigne d’un homme sérieux. Il faut que je trouve le moyen de voyager sans mendier. J’ai bien cherché déjà. C’est un grand problème à résoudre pour qui n’a rien. L’homme qui se fixe trouve toujours du travail ; celui qui veut marcher est bien embarrassé aujourd’hui. Dans l’antiquité, monsieur Goefle, voyager signifiait conquérir la terre au profit de l’intelligence humaine. Les hommes le sentaient, c’était une auguste mission, l’initiation des âmes d’élite. Aussi le voyageur était-il un être sacré pour les populations, qui saluaient son arrivée avec respect et qui venaient chercher auprès de lui