Page:Sand - La Daniella 1.djvu/130

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du mont Gennaro. Au baisser du soleil, quand l’herbe fine et maigre de ce gigantesque pâturage est un peu échauffée par l’or du couchant et nuancée par les ombres portées des montagnes, le sentiment de la grandeur se révèle. Les petits accidents perdus dans ce cadre immense, les troupeaux et leurs chiens, seuls bergers qui, en de certaines parties du steppe, osent braver la malaria toute la journée, se dessinent et s’enlèvent en couleur avec une netteté comparable à celle des objets lointains sur la mer. Au fond de cette nappe de verdure, si unie que l’on a peine à se rendre compte de son étendue, la base des montagnes semble nager dans une brume mouvante, tandis que leurs sommets se dressent immobiles et nets dans le ciel.

Mais, en résumé, voici la critique qui se présente à mon esprit sur l’effet bien souvent manqué de la plaine de Rome. Je dis manqué par la nature sur l’œil des coloristes, et peut-être aussi sur l’âme des poëtes. C’est un défaut de proportion dans les choses. La plaine est trop grande pour les montagnes. C’est une étoile énorme avec un petit cadre. Il y a trop de ciel, et rien ne se compose pour arrêter la pensée. C’est solennel et ennuyeux, comme en mer un calme plat. Et puis le genre de civilisation de ce pays-ci trouve moyen de tout gâter, même le désert. Puisque désert il y a, on voudrait le voir absolu, comme la prairie indienne de Cooper, dont les défauts naturels me semblent, d’après ses descriptions et les images que j’ai vues, assez comparables à ceux d’ici : de trop petites lignes de montagnes autour de trop grands espaces planes ; mais, au moins, la prairie indienne exhale le parfum de la solitude, et l’œil du peintre qui voit, quoiqu’il fasse, à travers sa pensée, peut se reposer sur une sensation d’isolement complet et d’abandon solennel.

Ici, n’espérez pas oublier les maux passés ou présents de