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XIII


Frascati, villa Piccolomini, 1er avril.

Les nuées violettes du couchant n’avaient pas menti : il a fait, cette nuit, une tempête comme je n’en ai jamais entendu. Malgré l’épaisseur des murs et la petitesse des fenêtres, circonstances qui me semblaient devoir assourdir le vacarme extérieur, j’ai cru que la villa Piccolomini s’envolerait à travers ces espaces sans bornes que mon œil contemplait hier au soir. J’ai dormi malgré tout ; mais j’ai rêvé dix fois que j’étais en pleine mer sur un navire qui volait en éclats. Il pleut fin et serré, ce matin. Le colossal paysage que je vous décrivais n’existe plus. Plus de mont Janvier, plus de Socrate, plus de Saint-Pierre, plus de Tibre, plus de mer. C’est gris comme une matinée de Paris. Je ne distingue que les maisons de Frascati sous mes pieds ; car la villa Piccolomini, placée à une extrémité de la ville, occupe le premier plan d’un système de terrasses naturelles verdoyantes qu’il me tarde d’explorer.

La Mariuccia vient de m’apporter une tasse de lait passable ; et, en attendant que je puisse sortir, je vais vous raconter les circonstances que j’ai omises dans mon bulletin d’hier.

Il s’agit d’une course à Tivoli que je vous ai sommairement indiquée et dont les faits me paraissent si étranges aujourd’hui, que j’ai besoin de me bien tâter pour m’assurer que je n’ai pas rêvé cela pendant ma fièvre.

J’aime bien à être seul, ou tout au moins avec des artistes, pour aller à la découverte des belles choses ; mais la famille