Page:Sand - La Daniella 1.djvu/144

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lerons de cela plus tard, s’il y a lieu.

Et, sans me donner le temps de l’interroger, il me ramena à la voiture, et me força de lui céder ma place sur le siège, voulant, disait-il, conduire lui-même, pour essayer la bouche de ses chevaux.

Mon malaise recommença, comme vous pouvez croire. Les deux Anglaises furent d’abord muettes. Lady B*** paraissait aussi embarrassée que moi. Sa nièce pleurait toujours. Forcé par les assertions de lady Harriet à regarder ces larmes comme une crise de nerfs, je ne savais quelles idées suggérer pour y remédier. J’ouvrais et refermais les glaces, ne trouvant rien de mieux que de donner de l’air ou de préserver de la poussière. Enfin, nous commençâmes à gravir au pas une montagne couverte d’oliviers millénaires, et je conseillai de marcher un peu.

On accepta avec empressement ; mais, au bout de quelques pas, lady Harriet, essoufflée et replète, remonta en voiture. Lord B*** resta sur le siège, le cocher mit pied à terre, et miss Medora, qui s’était traînée d’un air dolent, prit sa course comme si elle eût été piquée de la tarentule, et s’élança, légère, forte et gracieuse, sur le chemin rapide et sinueux.

Une belle femme ! dit naïvement le cocher, avec cet abandon propre aux Italiens de toutes les classes, en se tournant vers moi d’un air tout fraternel ; j’en fais mon compliment, à Votre Excellence.

— Vous vous trompez, mon ami, lui, dis-je. Cette belle femme est une demoiselle, et je n’ai aucun lien avec elle.

— Je sais bien ! reprit-il tranquillement, en m’ôtant sans façon mon cigare de la bouche pour allumer le sien. Je suis au service de ces Anglais pour la saison ; mais on sait bien, dans la maison et dans Rome, que vous épousez la belle Anglaise.

Eh bien, mon cher, vous direz, s’il vous plaît, dans la maison et dans Rome, que ce que vous croyez là est un mensonge et une stupidité.