Page:Sand - La Daniella 1.djvu/148

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— Selon vous, la Daniella est donc laide ?

— Affreuse ! répondit-elle avec une candeur de souveraine jalouse du moindre objet supportable sur les terres de son royaume.

— Allons, vous êtes trop despote, lui dis-je en riant. Vous voulez qu’à moins de trouver une beauté supérieure à la vôtre, on ne daigne pas seulement ouvrir les yeux. Alors, il faut se les crever pour jamais, et renoncer à la peinture.

— Est-ce un compliment ? demanda-t-elle avec une animation extraordinaire. Un compliment équivaut à une raillerie, par conséquent à une injure.

— Vous avez raison ; aussi n’est-ce pas un compliment, mais une vérité banale que j’aurais dû ne pas formuler, car vous devez être lasse de l’entendre.

— Vous ne m’avez pas gâtée sous ce rapport, vous ! Dites donc toute votre pensée ! Vous savez que je ne suis pas laide ; mais vous n’aimez pas ma figure.

— Je crois que je l’aimerais autant que je l’admire, si elle était toujours naïvement belle comme elle l’est dans ce moment-ci.

Pressé de questions à cet égard, je fus entraîné à lui dire que, selon moi, elle était ordinairement trop arrangée, trop encadrée, trop rehaussée, et qu’au lieu de ressembler à elle-même, c’est-à-dire à une femme superbe et ravissante, elle se condamnait à un travail perpétuel pour ressembler à n’importe quelle femme pimpante, à n’importe quel type de fashion aristocratique, à n’importe quelle poupée servant de montre à un étalage de chiffons et de bijoux.

— Je crois que vous avez raison, répondit-elle après un moment de silence attentif. Et, arrachant tout à coup sa broche et ses bracelets de Froment Meurice, véritables objets