Page:Sand - La Daniella 1.djvu/156

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discussion de ce genre. Je l’ai toujours vu très-sobre ; mais qui sait ce qu’un rayon de bonne intelligence avec sa femme pouvait apporter de changement à ses habitudes ? Je retournai donc à la table, où le bordeaux était déjà versé, bien que les femmes fussent levées et en train de s’équiper pour la promenade. Je remarquai que mon Anglais était redevenu froid et sérieux comme à son ordinaire. Déjà quelque parole aigre avait été échangée entre sa femme et lui, et déjà Medora avait oublié ses beaux projets de conciliation, car elle riait de la triste figure de son oncle.

— Allons ! disait-elle en attachant sa coiffe de mackintosh, vous avez fait assez de poésie pour un jour. Le soleil s’en va, le temps marche, et nous ne sommes pas venus ici pour porter des santés à tous les dieux de l’Olympe.

— Vous savez que l’endroit est dangereux, dit lady Harriet à son mari ; si la pluie vient, il le sera encore davantage. Venez donc ou restez seul tout à fait !

— Eh bien, je reste, répondit-il avec une sorte de désespoir comique, en remplissant son verre. Allez voir couler l’eau ; moi, je vas faire couler le vin !

C’était une révolte flagrante.

— Adieu donc ! dit lady Harriet avec indignation, en prenant le bras de sa nièce.

— Valreg ! buvez à ma santé, je le veux, s’écria milord en me retenant par le bras.

— Moi, je ne le veux pas, répondis-je. Ce bordeaux, par-dessus le café, serait pour moi une médecine ; et je ne comprendrais pas, d’ailleurs, que nous pussions laisser aller sans nous, dans un endroit dangereux, les femmes que nous accompagnons.

— Vous avez raison ! dit-il en faisant un effort pour repousser son verre. Tartaglia, viens ici. Bois ce vin ! bois tout ce qu’il y a dans la voiture, je te le commande ; et, si tu