Page:Sand - La Daniella 1.djvu/160

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j’avais été tenté de lui adresser sur son imprudence, je lui dis, en souriant, que je courais après elle pour l’accompagner, par ordre de lady Harriet.

— Je n’en doute pas, répondit-elle. Certes, vous n’y seriez pas venu de vous-même.

— Non, en vérité, lui dis-je. Pourquoi vous aurais-je importunée de ma présence, quand ce sentier est le plus joli et le plus commode qui se puisse imaginer dans un lieu semblable ? On peut courir ici comme dans sa chambre, et, pour tomber, il faudrait être d’une maladresse ridicule ou d’une présomption stupide.

Cette observation lui fit tout à coup ralentir son allure.

— Vous pensiez donc, me dit-elle avec un regard pénétrant, que je voulais vous éblouir par mon audace, que vous prenez ces précautions oratoires pour me dire…

— Pour vous dire quoi ?

— Que mon effet serait manqué ! C’est fort inutile : je sais que je ne pourrais même pas avoir un moment de gaieté bien naturelle, me sentir enfant et oublier que vous êtes là à m’épiloguer, sans être accusée de poser l’Atalante ou la Diana Vernon. Vous avouerez que vous êtes un compagnon de promenade fort incommode, et qu’autant vaudrait être sous une cloche que sous votre regard éplucheur et malveillant.

— Puisque nous voilà aux injures, je vous dirai que j’aimerais bien autant que vous me trouver seul ici, pour admirer à mon aise et sans préoccupation une des plus belles choses que j’aie jamais vues ; mais comment faire pour nous délivrer du tête-à-tête qu’on nous impose ? Voulez-vous que nous descendions jusqu’en bas sans nous dire un seul mot ?

— Soit, dit-elle ; passez devant pour que ma tante, qui nous regarde de là-haut, en venant tout doucement, voie bien que vous faites votre office de garde-fou ! Si j’ai la ri-