Page:Sand - La Daniella 1.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vement servile, m’avait donné envie de lui rendre la pareille pour rétablir la logique des choses. Rien de semblable ne me fut suggéré par la provocation de Medora.

C’était pourtant une provocation chaste à force d’être hardie. Je la crois même aussi froide qu’exaltée, cette Anglaise à passions de parti pris. Il n’y a place en elle, je l’ai senti à première vue, ni pour l’amitié tendre, ni pour l’amour ardent. Elle procède par coups de tête ; elle veut, ou vaincre ma résistance pour se moquer de moi ensuite, on se persuader à elle-même qu’elle éprouve les émotions violentes d’un amour irrésistible. Elle veut peut-être recommencer le roman d’amour de sa tante Harriet, sauf à me mépriser le lendemain comme on méprise le pauvre lord B***.

— Ah ! grand merci ! me disais-je. Je ne serai pas si faible que lui. Je garderai ma liberté et ma fierté. Je ne deviendrai pas amoureux de cette beauté dangereuse et décevante, à qui ses millions persuaderaient bientôt qu’elle a le droit de m’avilir.

Je me disais tout cela, dégrisé de tout vin et de toute vanité, comme vous voyez ; et, malgré tout cela, j’étais tremblant de la tête aux pieds, comme on l’est à la suite d’une commotion violente ; car tout appel à l’amour remue en nous la source profonde, sinon des plus vives émotions de l’animal, du moins celle des plus hautes aspirations de l’âme.

Sottement troublé, follement éperdu, j’entraînai Medora hors, de la caverne. J’avais besoin de l’air plein et du jour brillant pour me retrouver tout entier. À l’entrée de la grotte, nous vîmes lady Harriet et le guide qui faisaient une pause. Lady Harriet savait son Tivoli par cœur et ne daigna pas entrer dans la caverne, dont elle craignait la fraîcheur, ce qui ne l’empêcha pas de m’en parler avec enthousiasme, en phrases toutes faites, et en si beau style, que rien n’y manquait pour dégoûter à jamais de l’expansion admirative.