Page:Sand - La Daniella 1.djvu/207

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suivre pour la forcer à me pardonner, car, de la fenêtre, je vis qu’elle y était seule. Je la rappelai, elle ne bougea pas. J’hésitai quelques moments, en proie à une agitation dont la vivacité m’effraya moi-même. Ce n’était pas seulement, comme avec Medora, une tentation des sens ; c’était un attrait plus vif, et que la réflexion ne venait ni démentir ni calmer.

Eh ! que m’importait que cette Daniella fût menteuse et galante ? Elle ne m’en plaisait pas moins. J’avais été bien sot de vouloir la confesser. Il y a en nous un fond de pédanterie qui nous gâte toute la spontanéité de l’existence.

Mais elle avait eu la maladresse de parler de son honneur ; c’était faire appel au mien ; la folie d’exiger de l’amour. Honneur et amour ! ces deux mots n’avaient certainement pas la même portée, le même sens pour elle et pour moi. Ah ! s’il était vrai qu’elle eût le droit de les invoquer, combien peu je me soucierais de ce que l’on en pourrait dire et penser ! combien il me serait facile de purifier, par mon dévouement et ma sincérité, le charme vulgaire que je subis !… Mais, s’il était vrai, combien ma manière d’être avec elle aurait été grossière et indigne d’elle jusqu’à ce moment ! Quelles mauvaises pensées et quelle injurieuse familiarité j’aurais à me faire pardonner, avant d’accepter ce premier amour si vaillamment et si naïvement offert !

La crainte de faire une erreur stupide en sollicitant grossièrement une vierge, s’empara de moi au milieu du délire qui me gagnait. Partagé entre cette terreur et celle, beaucoup moins vive, d’être pris pour dupe, je résolus d’attendre à mieux connaître cette fille pour reprendre un entretien si délicat, et je me sauvai dans la campagne. J’y promenai d’abord une émotion chagrine, une inquiétude pénible. Enfin, la beauté de ces solitudes, où je suis roi, me calma et je vins à bout d’oublier une tentation beaucoup trop sou-