Page:Sand - La Daniella 1.djvu/229

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dominait, ce vaste ciel et ces sales décombres, ces fleurs luxuriantes et ces égouts infects, ces yeux enivrants et ces cœurs souillés, n’est-ce pas là toute l’Italie, vierge prostituée à tous les bandits de l’univers, immortelle beauté que rien ne peut détruire, mais qu’aussi rien ne saurait purifier ?

Le son de la cloche m’avertit que l’on sortait de l’église. Comme j’allais quitter cette chambre, incertain encore de la réalité de ma découverte, un objet qui n’avait pas encore frappé mes regards me prouva que j’étais bien chez la Daniella, et cette preuve fut en même temps une révélation émouvante. Dans la niche qui contenait la statuette de l’ange gardien, je remarquai une pierre d’une forme étrange : c’était un de ces petits cônes de lave sulfureuse que j’avais cassés à la solfatare, sur la route de Tivoli. J’aurais hésité à le reconnaître si, dans le tube qui perfore ces petits cratères, on n’eût planté une fleur de pervenche desséchée, et cette fleur, je la reconnus pour l’avoir cueillie auprès du temple de la sibylle. Medora l’avait prise et mise avec soin dans du papier, circonstance qu’en ce moment-là je n’avais attribuée qu’à une sentimentalité anglaise pour le sol de l’Italie. Elle m’avait aussi demandé un de mes échantillons de la solfatare, et j’y vis une petite étiquette marquant la date de cette promenade. Daniella lui avait-elle volé ce souvenir, ou l’avait-elle ramassé dans les balayures ? C’est ce que je me promis de savoir. Quoi qu’il en soit, je fus touché de le voir là, posé au chevet de son lit comme une relique, et j’y crus trouver une réponse éloquente à tous mes soupçons, tant il est vrai que la femme qui nous aime se purifie, par ce seul fait, dans notre ombrageuse imagination.

Des voix lointaines, qui chantaient horriblement faux je ne sais quels cantiques, me donnèrent un second avertissement. Je renouai le ruban rose à la porte ; puis, entraîné par ma fantaisie de cœur, je le dénouai, et je rentrai dans