Page:Sand - La Daniella 1.djvu/230

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la chambre pour placer sûr la pierre de soufre un petite bague antique assez jolie, que j’avais achetée à Rome, au columbarium de Pietro. Enfin, je me hâtai de sortir, de descendre et de regagner l’intérieur de la ville, avant que les habitants du faubourg eussent reparu sur les hauteurs.

En traversant la rue de la Tomba-di-Lucullo (on dit qu’une vieille tour qui est encastrée dans une des maisons de la ville, est le tombeau de Lucullus), je ne rendis compte des chants discordants que j’avais entendus. Une cinquantaine d’enfants des deux sexes, agenouillée dans la crotte, glapissaient un cantique devant trois petites bougies allumées autour d’une madone peinte à fresque sur le mur. J’allais passer insoucieux, quand je vis arriver une douzaine de jeunes filles portant des fleurs dont elles voilèrent complètement la madone, en les piquant, une à une, dans le petit grillage de laiton qui la protégeait. La Daniella était parmi elles, et chantait aussi ; mais sa voix était perdue dans ce vacarme, et je ne pus savoir si elle chantait plus ou moins faux que les autres. Elle me vit, et me suivit des yeux en sonnant, mais sans cesser de chanter et sans se déranger de la cérémonie.

Je n’osai m’arrêter, car on me regardait curieusement, et fade de dévotion qu’on accomplissait n’empêchait pas les chuchoteries des jeunes filles.

Je rentrai donc sans avoir pu échanger un mot avec la stiratrice, et cela fait maintenant deux jours passés ainsi ; ce qui est étrange après la conversation que nous avons eue ensemble. Je crois bien qu’elle me boude sérieusement, car j’ai fait le coup de tête de demander à la Mariuccia pourquoi sa nièce ne venait plus la voir, et elle m’a répondu :

— Elle vient aux heures où vous n’y êtes pas.