Page:Sand - La Daniella 1.djvu/255

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— Il est donc bien vrai que vous m’aimez, chère enfant ?

— Vous verrez ! Je ne puis vous rien dire encore. Il faut que je pense à mon salut, et que je tourne mon cœur vers Dieu si ardemment, qu’il bénisse nos amours et nous pardonne d’avance la faute que nous voulons commettre. Je prierai pour nous deux, et je prierai si bien, qu’il ne nous arrivera point de malheur. Mais, pour aujourd’hui, ne me dites rien, ne me tentez pas, il faut que je me confesse, que je me repente et que je reçoive l’absolution pour le passé et pour l’avenir.

Tel fut le résumé de l’étrange système de piété de cette Italienne. J’avais bien oui dire que ces femmes-là voilaient l’image de la Vierge en ouvrant la porte à leurs amants ; mais je n’avais pas l’idée d’un repentir par anticipation et d’un péché réservé, comme ceux dont j’entendais parler avec tant d’assurance et de conviction. J’essayai de combattre cette religion facile ; mais je la trouvai très-obstinée, et je fus véhémentement accusé de manquer d’amour, parce que je manquais de foi.

— Adieu, me dit-elle ; l’heure du sermon sonne, et j’ai encore trois chapelles à visiter aujourd’hui. Demain, vous ne me verrez pas, ni dimanche non plus. Je ne suis venue que pour vous dire de ne pas faire d’imprudence, et de ne pas chercher à me voir, parce que, d’une part, je dois me sanctifier, et que, de l’autre, mon frère est à Frascati.

— Dites-moi, Daniella, est-il vrai que votre frère vous maltraiterait s’il me voyait occupé de vous ?

— Oui, quand ce ne serait que pour savoir s’il peut vous effrayer.

— Vous avez donc l’expérience de ce qu’il peut faire en pareil cas ?