Page:Sand - La Daniella 1.djvu/265

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— Pour cinq, un jour de la semaine, peut-être ; mais, aujourd’hui, la fête de Pâques ; Non, non, pas pour six !

J’allais en offrir sept, quelque chose comme quarante francs. Pour un gueux comme moi, c’est vous dire combien la fantaisie de tenir parole à ma conquête me gouvernait en ce moment-là. Lord B*** offrant cinq cents livres sterling n’aurait pas été plus prodigue.

Heureusement pour mon humble bourse, je sentis une main toucher furtivement mon coude, et, me retournant, je vis Tartaglia.

— Que faites-vous ici, Excellence ? me dit-il en italien. Les chevaux que vous avez demandés sont là. C’est milord qui vous les envoie, et j’ai ordre de vous accompagner.

— Excellent lord B*** ! pensais-je en suivant Tartaglia jusqu’aux chevaux, qui étaient effectivement à dix pas de là, tenus par un mendiant ; il me blâme, et pourtant il se prête à mon indomptable caprice !

M’élancer sur le magnifique cheval anglais qui piaffait, impatient de dévorer l’espace, fut pour moi l’affaire d’un instant. Je ne me demandai même pas s’il ne me casserait pas le cou ; car je suis le plus ignorant des écuyers, et il y a bien quatre ans que je n’ai enfourché une monture quelconque ; mais j’ai monté sans selle et sans bride tant de poulains farouches dans les prairies où j’ai passé mon enfance, que j’ai l’instinct nécessaire pour rester solide sans faire de maladresse qui exaspère l’animal le plus irritable et le plus chatouilleux. Les choses se passèrent donc très-bien, et, quand j’eus fait une lieue au grand trot pour satisfaire la première ardeur de mon cheval, je sentis que j’en étais maître et que je pourrais, à mon gré, ralentir son allure.

Je me retournai alors vers Tartaglia, qui montait aussi une magnifique bête, et qui, cavalier à ma manière, se