Page:Sand - La Daniella 1.djvu/270

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— Mais quel diable d’intérêt prends-tu à moi ? lui criai-je en lui jetant vingt francs qu’il refusa obstinément.

— Je prends intérêt au futur mari de la Medora, répondit-il, au futur héritier de lady B*** ; car, voyez-vous, c’est moi que je vous le dis, vous serez ce mari et cet héritier. Pour le moment, vous êtes coiffé de cette brunette de Frascati ; mais, avant huit jours, vous en serez las, et vous reviendrez à Rome. La signorina n’aime pas son cousin Richard. Elle l’aime d’autant moins qu’elle fait son possible pour l’aimer ; mais il est sot, et elle s’en aperçoit bien. Bonsoir, Excellence ; gardez votre argent ; vous êtes généreux, je le sais : c’est pour cela que j’attends, pour accepter, que vous soyez riche. En faisant votre fortune, je fais la mienne.

En parlant ainsi, il sauta à cheval et prit Otello par la bride. Je voulais qu’il entrât dans la ville pour laisser reposer ces deux braves bêtes.

— Non, non, dit-il, les domestiques courent les rues de Rome, cette nuit ; ils m’ont confié le soin des écuries ; mais, au point du jour, ils y donneront un coup d’œil, et il faut que ces deux bêtes-ci soient séchées et pansées, pour qu’ils ne se doutent de rien.

Il partit au galop, et je me mis à gravir la via Piccolomini, on peu honteux de penser que le cheval favori de Medora m’avait porté, à ce rendez-vous, cause indubitable de son éternel mépris. Je voyais aussi se réaliser la prédiction de Brumières relativement à Tartaglia : « En quelque lieu et à quelque heure que ce soit, vous le verrez apparaître au moment où ses services vous seront indispensables, et il saura être l’homme nécessaire dans vos plaisirs ou dans vos dangers.»

Pendant que je faisais ces réflexions, la grille ne s’ouvrait pas ; et la cloche placée en dehors de la maison faisait un tel