Page:Sand - La Daniella 1.djvu/278

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aujourd’hui comme j’aurais dû t’aimer hier, et je serai ton adorateur, ton cavalier servant, ton esclave aussi longtemps que tu le voudras, avant de redevenir ton amant. Commande-moi ce que tu veux, éprouve-moi, punis-moi, venge ta fierté outragée ; car je t’aime, oh ! oui, je t’aime, à présent, mille fois plus que tu ne peux et ne dois m’aimer !

Et puis je tombai dans le silence et dans une enivrante rêverie, en contemplant cette créature si séduisante et si naïve, si coquette et si chaste, si impétueuse et si humble, assez fière pour avoir pleuré en se livrant, assez dévouée et assez passionnée pour s’être livrée quand même.

— Une vierge sage calomniant sa pureté, éteignant sa lampe comme une vierge folle, pour rassurer la mauvaise et lâche conscience de celui qu’elle aime et qui la méconnaît ! Mais c’est le monde renversé, pensai-je ; c’est un bonheur invraisemblable qui m’arrive ; c’est un rêve que je fais !

Et je pressais ses genoux contre ma poitrine soulagée et purifiée. Je me prosternais devant elle ; je me donnais corps et âme. J’offrais mon cœur sans réserve et ma vie pour toujours. J’étais exalté, j’étais fou ; et, à l’heure où je vous écris, je le suis encore. Bien que seul dans des ruines, depuis cinq ou six heures, j’éprouve toujours la même ivresse et je ne sais quelle joie intérieure, mêlée de repentir et d’attendrissement, qui est, certainement, ce que j’ai ressenti de plus énergique et en même temps de plus doux, depuis que j’existe. Ô Daniella, Daniella ! devrais-je dire que ceci est une folie ? Devrais-je dire que j’ai existé avant aujourd’hui ? Non, certes ; car j’aime pour la première fois, et je sens que, dusse-je payer ce jour-là de ma vie, ou, ce qui est pire, des souffrances d’une longue vie, je remercierais Dieu avec enthousiasme de me l’avoir donné ! Oh ! vivre de toute la puissance de son être ; se sentir inondé de voluptés, esprit