Page:Sand - La Daniella 1.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

casino et de t’y enfermer. On n’est forcé d’y conduire personne, puisque les étrangers ne savent pas qu’il existe, et on peut toujours dire qu’il tombe et qu’on n’y va plus.

— Ah çà ! mon Dieu, ne tombera-t-il pas, pendant que tu es avec moi ? Je deviens bête et peureux, comme un enfant. Je suis si heureux, que je me demande si le ciel ne va pas s’écrouler sur nos têtes, ou si la terre ne va pas fuir sous nos pieds.

— Rien ne tombera, rien ne bougera ; nous nous aimons !

— Tu as raison ! Il doit y avoir pour les vrais amants une Providence particulière.

— Il y a plus que cela : il y a en eux une vertu magique et une force surnaturelle qui vaincraient le diable, si le diable s’attaquait à eux.

Elle déjeuna avec moi, et me quitta pour aller travailler à la villa Taverna, car il faut qu’elle soit vue faisant sa besogne, et nous décidâmes qu’à partir du lendemain, elle ne reviendrait plus dans la journée, à moins de quelque événement imprévu. Elle m’arriverait tous les jours, à six heures du soir, et ne partirait plus qu’à huit heures du matin. Il lui était indifférent de rencontrer des ouvriers dans le parc à cette heure-là. Elle serait censée avoir été faire pour Olivia une commission au couvent des Camaldules, et, quant à la course du soir, elle trouverait des raisons non moins plausibles.

— De quoi t’inquiètes-tu ? disait-elle. Les raisons ne manquent jamais. Cela se trouve, juste au moment où l’on en a besoin, et celle qui reste court, ou qui fait un mensonge invraisemblable, n’est pas digne d’être femme et d’avoir un amant.

Je m’étais souvent imaginé, moi, que quand une femme