Page:Sand - La Daniella 1.djvu/75

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au Castor et à son excellent capitaine, monsieur Bosio, nous avons déjeuné dans une auberge, des fenêtres de laquelle, plongeant sur le rempart, nous avons pu voir des soldats français se livrer à leurs exercices quotidiens avec cette aisance qui les caractérise. Encore des visites de police sur le bâtiment, encore les douanes sur le rivages ; encore des visas, des impôts et des heures d’attente : toujours le voyageur arraché à sa première impression, à son innocente fantaisie de courir à droite ou à gauche sur la terre qu’il vient de toucher. Le voyageur est partout suspect, il est partout susceptible d’être un bandit, ce qui n’a jamais empêché aucun bandit de débarquer, et aucun voyageur de trouver des bandits indigènes ou autres, là où il y en a pour l’attendre. Mais je vous assure que les bandits gâtent bien moins les voyages que les précautions prises contre les honnêtes gens. Les douanes sont aussi une vexation barbare. On s’en sauve ici avec de l’argent ; mais c’est encore une chose blessante de ne pouvoir s’en sauver avec sa parole. Les montagnes et les mers ne sont rien pour l’homme ; mais il s’arrange pour être à lui-même son obstacle et son fléau sur la terre que Dieu lui a donnée.

Une diligence attendait que toutes ces formalités fussent remplies pour nous transporter à Rome, en huit heures ; ce qui, moyennant quatre relais et de bons chevaux, me sembla exorbitant pour faire quatorze lieues. Mais c’est ainsi ! On perd une bonne heure à chaque relais, les postillons ne voulant partir qu’après avoir rançonné les voyageurs. Il y a bien un conducteur qui est censé les faire marcher quand même ; mais il s’en garde bien : il partage probablement avec eux. Il vous dit philosophiquement que vous ne leur devez rien, mais qu’il ne peut pas les faire obéir. On est donc à la discrétion de ces drôles, qui vous insultent si vous ne voulez pas céder à leur ton d’insolence, et qui exigent que