Page:Sand - La Daniella 1.djvu/79

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rain. Le sol herbu avait amorti le bruit de mes pas, et, au moment où j’allais m’éloigner sans me douter de leur présence, je les aperçus tapis dans les broussailles comme des lièvres au gîte. Il y avait quelque chose de si mystérieux dans leur attitude et dans leur silence, que je crus devoir me tenir sur mes gardes. Je me retirai doucement, de manière à mettre tout à fait le pli du terrain entre eux et moi. Au même moment, j’entendis, sur le chemin que je venais de franchir, un bruit de roues, et, pensant que c’était la diligence, j’allais abandonner mon système de précautions, lorsqu’à ce même bruit mes quatre gaillards se relevèrent sur leurs genoux, rampèrent comme des serpents dans le petit creux qui aboutissait à la route et se trouvèrent à portée du véhicule, qui approchait rapidement et qui n’était pas la diligence, mais bien une voiture de louage traînée par de bons chevaux de poste.

Je reconnus aussitôt cette voiture pour y avoir vu transporter, à Civita-Vecchia, le bagage de lady Harriet et de sa famille. C’était une grande calèche ouverte. Un domestique, dépêché quelques jours d’avance pour l’envoyer, de Rome, au-devant des illustres voyageurs, était resté à la ville pour achever de préparer leur logement. J’ai su ce détail après coup. Il n’y avait donc, dans la calèche que lord B*** (je sais son nom maintenant), sa femme et sa nièce. La femme de chambre italienne était sur le siége.

Le projet de mes bandits me parut assez clair, et je me demandai aussitôt comment je pourrais m’y opposer. Rongés par la misère ou par la fièvre, ils ne me paraissaient pas bien solides, sauf un grand chenapan qui n’avait ni le type ni le costume indigènes, et qui me sembla fortement constitué. Je n’avais pour arme qu’une canne à tête de plomb, et je regardais attentivement ce qu’ils traînaient dans l’herbe avec précaution. Quand ils se redres-