Page:Sand - La Daniella 1.djvu/89

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— Pourquoi, milord, aimez-vous tant ce chien ? Il n’est réellement pas beau.

— Je l’aime parce que, me promenant en barque dans le port de Gênes, je l’ai vu au bout d’une corde, prêt à rendre au diable sa pauvre âme de chien. C’était une bête perdue qui, sautant de barque en barque, était venue se réfugier à bord d’un bateau de pêcheurs, et ces brutes trouvaient plaisant de le pendre à une de leurs vergues. Je l’ai réclamé. Il a l’air de comprendre qu’il me doit la vie, et je crois qu’il m’aime.

— En ce cas, je m’en dirai propriétaire tant que ce sera utile, et je ferai en sorte que milady vous conseille de m’en débarrasser.

— Voyez, dit-il, ce que c’est que le caprice d’une femme ! Si milady avait vu ce chien avec la corde au cou, et que je fusse passé sans songer à le sauver, elle m’eût traité d’insouciant et de cruel ! Elle est très-bonne, je vous jure, et très-douce ; seulement… seulement, je suis son mari. C’est un grand défaut d’être le mari d’une femme !

À son tour, milady, toujours très-émue, m’appela pour me parler à l’écart.

— Nous vous devons plus que la vie, me dit-elle d’un air exalté. La vie n’est rien ; mais, dans ces histoires de brigands, les femmes peuvent être exposées à des insultes. Si les choses en fussent venues là, je suis sûre, j’aime à croire que lord B*** se fût fait tuer pour nous donner le temps de fuir ; mais une seule parole malhonnête est un fer rouge pour des femmes de notre rang, de notre caractère et de notre nation. Je vous dirai donc, comme lord B***, et plus chaleureusement, que vous avez notre amitié, et que nous vous demandons la vôtre. Nous nous connaissons, d’ailleurs, par votre ami monsieur… Comment l’appelez-vous ?

Je trouvai fort plaisant que l’on me demandât le nom de