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XII


Je trouvai mes vieux amis en bonne santé, et l’accueil qu’ils me firent me toucha vivement. Tous deux pleuraient de joie et m’appelaient leur enfant. Ils se réjouissaient de mon bien-être comme s’il leur eût été personnel. Je passai huit jours dans la région d’Avon, bien décidé à ne pas goûter le bonheur d’aller à Saule avant d’avoir commencé ma mission et de m’être mis en mesure de la continuer sans interruption après ma première visite.

Au bout de la semaine, je pus donc me présenter. Cette fois, j’étais encore revêtu de la blouse, comme lorsque j’avais fait ma première entrée. Mais ce n’était plus par pauvreté que je me montrais ainsi. Je portais le costume, l’uniforme, si l’on veut, de mon emploi.

J’arrivai à l’improviste et j’entrai par le parc, dont je connaissais les issues dérobées. C’était la même époque, à peu près, que celle de l’année précédente. La chaleur était encore bonne à savourer, les arbres pliaient sous les fruits, les jardins revêtaient cette seconde parure de l’arrière-saison qui, pour être moins luxuriante que celle du printemps, n’en est que plus coquette et plus soignée.

Au détour d’une allée de bosquet qui aboutissait à la pelouse, je me trouvai tout à coup face à face avec Anicée. Elle était assise sur un banc et lisait à l’ombre, pendant qu’à vingt pas d’elle, Morena, sous l’œil de sa bonne, jouait sur l’herbe avec son ex-nourrice, la brebis noire. Morena était sevrée.