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XIV


Pour me débarrasser du gitanillo, je me perdis dans les groupes de promeneurs, qui étaient nombreux, ce jour-là, dans le jardin. Je gagnai mon laboratoire, sans me croire suivi ; mais, ayant eu à passer par l’extérieur, dans un autre corps de logis, je vis, à peu de distance, le gitanillo qui paraissait jouer avec d’autres polissons de son âge, et qui se retrouva encore là quand je revins à mon poste. Si bien qu’il fût dressé à l’espionnage, il avait douze ans, et sa figure trahissait ses desseins.

Quand j’eus à me retirer vers six heures, j’eus soin de ne pas sortir par les jardins ; mais, à la porte de la rue, je vis en observation une figure sombre et basanée qui ne pouvait être que celle du père de Rosario.

Je n’essayai pas de tromper sa vigilance ni de lutter de ruse avec lui. J’avais eu occasion d’observer les mœurs des bohémiens dans les fréquentes apparitions qu’ils font dans nos campagnes. Je savais ce que le premier venu de ces individus peut déployer de persévérance, de fourberie, je dirais presque de génie dans la science de tromper, pour dérober une poule ou seulement un œuf. À plus forte raison, mon espion devait-il déjouer toutes mes précautions, si réellement il avait un intérêt de vengeance ou de cupidité à retrouver Morena. Mon parti fut bientôt pris. J’appelai un fiacre et lui dis de m’attendre. Puis je rentrai, bien certain que mon bohémien passerait