Page:Sand - La Filleule.djvu/139

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personne, qui regardait d’un air étonné l’objet que je tenais dans mes mains. Sa figure me plut, la mienne fit apparemment le même effet sur lui ; car, en nous toisant mutuellement, nous échangeâmes un sourire de bienveillance instinctive.

Je crus devoir profiter de ce moment de vague sympathie qui ne reviendrait peut-être plus, et je n’hésitai pas à lui adresser la parole.

— Monsieur, lui dis-je, vous êtes sans doute un peu surpris de voir entre mes mains un objet qui a appartenu soit à vous, soit à quelqu’un de votre famille. Pourrai-je, à ce sujet, vous entretenir en particulier quelques instants ?

— Certes, monsieur, répondit-il avec la même franchise, et je vous avoue que cet objet m’intrigue un peu. Mais je suis absolument forcé de sortir ; voulez-vous m’obliger de monter avec moi dans ma voiture jusqu’à la porte Maillot, où j’ai donné rendez-vous à la duchesse ? Comme là, nous montons à cheval, je vous ferai reconduire où vous voudrez.

— Ce sera inutile, répondis-je, j’ai précisément affaire de ce côté.

Il me fit passer le premier avec beaucoup de courtoisie, et, quand nous fûmes assis côte à côte, il me demanda avec une familiarité polie qui j’étais.

— Stéphen Rivesanges, lui répondis-je ; un nom complétement obscur, mais porté par un honnête garçon, attaché pour le moment au cabinet d’histoire naturelle.

— Un jeune savant ! c’est fort bien. Vous êtes plus que moi, qui suis un ignorant. Mais je suis aussi un honnête garçon. Voyons, montrez-moi ce collier dont vous avez si bien étudié le blason dans ma cour.

Il regarda le bracelet, sourit encore, eut un imperceptible mouvement d’embarras, puis me le rendit en disant :

— C’est bien ça. C’est le collier de ma pauvre chienne, qui est morte, par parenthèse. On vous l’a vendu ?