Page:Sand - La Filleule.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laient pas de revenir, j’ai cédé à un élan qui m’est venu de dire au duc :

— Eh bien, est-ce que nous ne nous reverrons pas ?

— Vous le voyez, a-t-il dit à mamita en me pressant un peu sur son cœur, nous sommes déjà si bons amis, que nous avons de la peine à nous quitter, et que me voici tout à fait triste et malheureux si vous ne permettez à la duchesse et à moi de revenir.

Mamita a dit qu’elle comptait bien qu’ils reviendraient souvent. J’ai voulu alors remettre tous les bracelets à la duchesse ; mais elle m’a priée de les garder, et, comme mamita objectait que j’étais trop jeune pour tant de luxe, elle a dit qu’elle reviendrait les chercher et qu’elle désirait qu’ils me fissent penser à elle en attendant. Je vois bien qu’elle veut me donner tout cela. C’est insensé ! il y en a pour une somme folle ; j’ai été étourdie d’un pareil cadeau. Mamita a dit, quand nous avons été seules avec mon parrain, que, si on insistait, je n’aurais pas bonne grâce à refuser ; alors je me suis vue à la tête de tant de bracelets, que, pendant un moment, je les ai examinés les uns après les autres, comme une enfant que je suis.

Hélas ! mon parrain est bien cruel pour moi ! tantôt il me reproche de faire la demoiselle, et tantôt de n’être qu’une morveuse. Que veut-il donc que je sois ? On m’a aidée et poussée à faire des progrès qui, je le vois bien, dépassent la portée de mon âge en bien des choses, et, si je m’abandonne à mes idées, il me fait taire ou me rembarre ; si je redeviens enfant pour m’amuser à des hochets, il me prend en pitié !

Il ne m’a pourtant pas chapitrée ce soir ; mais, mamita ayant essayé de savoir si ces personnes m’étaient également sympathiques, comme j’hésitais un peu avant de répondre, il a dit, lui, d’un ton moqueur :

— Bah ! croyez-vous qu’elle puisse songer, ce soir, à autre chose que ses bracelets ?