Page:Sand - La Filleule.djvu/217

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l’heure où son parrain était parti, et où tout le monde était endormi. Elle s’enveloppa de sa pelisse fourrée, se glissa dans le jardin, gagna le mur, grimpa lestement dans le sapin jusqu’à la branche indiquée, et attendit résolûment l’aventure.

De l’autre côté de cette muraille, médiocrement élevée, s’étendait le jardin petit et touffu d’une maison voisine. L’appartement du rez-de-chaussée d’où ce jardin dépendait n’était pas loué. Morenita, sans faire semblant de rien, s’était assurée de ces détails dans la soirée.

Au bout d’une heure d’attente, elle entendit s’agiter les branches d’un autre massif d’arbres dont les cimes se confondaient avec celles du jardin d’Anicée. On posa contre le mur une échelle où l’on monta avec précaution. La nuit était tiède et voilée de nuages. L’ombrage épais du double massif que séparait le mur mitoyen rendait l’obscurité presque complète en cet endroit.

Morenita, tapie dans son arbre, tout près de la tige, sentit s’agiter la branche qu’elle surveillait. Il n’y avait pas un souffle de vent ; elle reconnut qu’on interrogeait l’extrémité de cette branche pour y trouver la réponse qu’on lui avait demandée ; alors elle retira brusquement la branche vers elle, en disant :

— Écoutez !

Le premier mouvement de la personne qui venait ainsi fut de fuir. Mais Morenita ayant répété de sa voix douce et enfantine : Écoutez ! on se rassura, on se rapprocha, et une tête d’homme se montra au-dessus du mur.

— Écoutez ! dit Morenita pour la troisième fois, et ne bougez pas. Il n’y a pas de lettre, et c’est moi en personne qui suis là pour entendre ce que vous avez à me dire.

— Merci pour cette confiance, répondit en espagnol une voix d’homme, plus douce que celle de nos climats, et d’une fraîcheur harmonieuse, qui sembla être à Morenita l’écho renforcé de la sienne propre.