Page:Sand - La Filleule.djvu/240

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lement éclairée d’un reflet. Cela, avec le burnous rose vif lamé d’argent que m’a donné aujourd’hui la duchesse, est d’un effet charmant. Mes cheveux, naturellement ondés, s’arrangent si bien, que je fais le désespoir de toutes les jeunes personnes qui veulent imiter ma coiffure. Ce soir, comme il ne restait plus au salon que la comtesse de Palma, qui prétendait qu’on était toujours forcée de mettre de faux cheveux pour se bien coiffer, en eût-on autant qu’elle, qui en a beaucoup de faux et de vrais, mon père, qui savait bien à quoi s’en tenir sur mon compte, a dit en riant :

« Est-ce vrai, et la Morenita a-t-elle déjà besoin de cet artifice ? Voyons donc !

Il a défait ma coiffure et s’est plu à me couvrir de ma richesse naturelle, qui vraiment n’est pas commune. La comtesse s’est récriée d’admiration ; mais elle n’était pas très-contente. La duchesse l’était beaucoup de la voir enrager.

Ah ! pauvre mamita !… vous étiez fière de mes cheveux, vous ! plus fière que s’ils étaient les vôtres ! Vous les montriez à Stéphen quand j’étais enfant, et vous ne vouliez pas me les laisser arranger moi-même, prétendant que, dans ma pétulance, j’en cassais toujours quelques-uns. C’était donc bien précieux pour vous, un cheveu de ma tête !

Allons, voilà que je pense encore à mamita ! j’oublie toujours que je la déteste. Oh ! que de mal vous m’avez fait, cruelle mamita ! Vous m’avez aimée comme je ne le serai jamais de personne, pas même de mon père, qui ne chérit de moi que ce qu’il voit. Vous, vous connaissiez mes défauts et vous les aimiez aussi ! J’aurais été méchante et contrefaite, que vous m’eussiez élevée avec le même amour. Pourquoi donc vous êtes-vous laissé aimer par l’homme que j’aimais ? Comment n’avez-vous pas deviné, vous qui cherchiez mes moindres fantaisies jusque dans mes regards, que je ne voulais plaire qu’à lui, et qu’il ne fallait pas lui plaire, vous ? Est-ce que vous