Page:Sand - La Filleule.djvu/243

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— Maman trouve notre vie parfaitement arrangée, a-t-elle dit en riant ; toi aussi, n’est-ce pas ? Mais moi, je penche à présent vers les idées folles, et j’ai une grande envie de me compromettre avec toi, pour que maman, effrayée de notre situation, se décide à nous laisser publier que nous ne sommes pas de jeunes amants, mais de vieux époux.

Je me suis agenouillé devant elle, je lui ai dit que je la comprenais. Nous n’avons pas dit un mot de Morenita. Nous partirons demain.


NARRATION

Le duc de Florès, en retournant le surlendemain à la rue de Courcelles, où il allait rarement avec sa femme et sa fille, mais seul le plus souvent possible, apprit que la famille était partie pour le Berry, où l’appelaient des affaires imprévues. Il se mordit les lèvres et rentra pour annoncer cette nouvelle à Morenita. Morenita était au manége avec une dame de compagnie. La duchesse s’habillait pour aller la rejoindre. Elle reçut son mari avec un éclat de rire.

— Eh bien, fils de mon âme, lui dit-elle en espagnol devant la femme de chambre, qui n’entendait que le français, voilà une figure allongée qui m’annonce que vous venez de la rue de Courcelles. Vous n’avez trouvé personne, et pendant votre absence, Morenita a reçu une lettre de sa mamita qui lui envoie un charmant couvre-pied tricoté par ses belles mains, et qui lui fait ses adieux pour quelques mois.

— Le portier m’a dit quelques jours, répliqua le duc avec un secret dépit.

— Mon cher Almaviva, reprit la duchesse, vous serez toujours un franc étourdi. Ce qui se passe, voyez-vous, est pour moi clair comme le jour. Vous avez toujours voulu douter de