Page:Sand - La Filleule.djvu/248

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s’était sentie gênée par sa présence, jalouse de sa jeunesse, que sais-je ! Après bien des divagations, elle s’endormit en pensant au bonheur que Rosario lui avait promis et qu’elle ne trouvait pas dans ses triomphes.

Pendant deux jours, elle fut de cette humeur qu’on appelle vulgairement massacrante ; le mot est juste. On dénigre, on analyse, on rabaisse, on détruit tout dans sa pensée quand on est mécontent de son propre fonds.

Le duc s’en affligea et s’en plaignit. La duchesse s’en moqua et n’y fit pas grande attention. Elle paraissait préoccupée, et donnait pour prétexte le soin de préparer une grande soirée musicale.



X


Morenita se ranima un peu au moment de paraître à cette réunion dont elle devait aider officiellement la duchesse à faire les honneurs. Depuis qu’elle vivait chez son père, il n’y avait point encore eu de gala chez lui. La duchesse paraissait pressée enfin de montrer Morenita à tout son monde. Le duc se laissait faire.

Clet et Roque, qui venaient de temps en temps et que la duchesse affectait de traiter comme des amis plus intimes de son mari qu’ils n’étaient réellement, arrivèrent des premiers. Roque, qui ne pouvait pas perdre l’habitude d’embrasser Morenita au front en arrivant et de la tutoyer, vint s’asseoir auprès d’elle, et, regardant confusément sa parure :

— Vertudieu ! lui dit-il en riant, si je n’étais l’amoureux de ta bonne maman Marange, je serais le tien, ce soir. Tu me fais