Page:Sand - La Filleule.djvu/251

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sa sécheresse et ses rauques étouffements, avec la douceur caressante et la monotonie mélancolique du chant. C’était comme un soupir de la brise, interrompu par le rugissement sourd de quelque animal fantastique, comme la plainte des sirènes emportées par les tritons hennissants. Une partie de l’auditoire, composée de personnes de diverses nations, frémissait de surprise et d’entraînement. Une moindre partie, exclusivement composée d’Espagnols et de Portugais, souriait gravement ou haussait les épaules de pitié. Morenita, palpitante, avait mis les deux mains sur son cœur. Elle regardait avec une étrange attention. La duchesse était invisible derrière le mouvement rapide de son éventail et ne paraissait pas écouter.

Morenita, qui s’était placée un peu en arrière des principaux groupes, comme une personne ennuyée de se montrer, et qui était trop petite pour voir au-dessus des autres, se leva brusquement pour regarder le chanteur. Son mouvement fut remarqué, ainsi que le rapide regard qu’échangèrent les deux gitanos au-dessus de tout ce monde plus grand qu’eux par le rang et la stature.

Morenita se rassit aussitôt.

— Eh bien, lui dit Clet à voix basse, à mon tour, je vous demanderai : Qu’avez-vous donc ?

— À mon tour, je vous répondrai : Rien ! dit Morenita avec un sang-froid extraordinaire.

— Est-ce que vous avez vu la figure de ce garçon qui chante ?

— Non, je regardais sa guitare, qui a un son bizarre et désagréable. Ce n’est pas une guitare comme les autres. Si M. Roque était là, il nous expliquerait au moins les paroles de la chanson, peut-être.

— Je l’en défie bien ! dit Clet.

— Bah ! si ce n’est que du chinois ou du sanscrit, reprit