Page:Sand - La Filleule.djvu/68

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(il avait été de la garde nationale de Fontainebleau), et qui, avec mon aide, pouvait faire bonne contenance.

La lumière éclairait encore la croisée de leur chambre, et, au moment d’entrer, je crus entendre de sourds gémissements. Je poussai vivement la porte. La mère Floche était levée et fit un cri d’effroi.

Bientôt rassurée, elle me rassura moi-même en me disant que son mari souffrait de ses rhumatismes, et que rien de fâcheux d’ailleurs ne leur était arrivé. J’approchai du lit du père Floche. Il était en proie à de vives douleurs, et je crois que, si on nous avait attaqués, il eût été hors d’état de se défendre. Il avait un rhumatisme articulaire des plus aigus. Morena dormait tranquillement dans sa corbeille posée sur un coffre, au pied du lit de la vieille femme.

Je n’avais rien à indiquer qui pût soulager le malade ; sa femme, habituée à le soigner, s’en acquittait fort bien. Je fis une ronde attentive et minutieuse autour de la maison, et ne voyant plus rien qui pût donner des craintes, je rentrai pour aider la bonne Floche à veiller son mari. Je lui demandai alors si elle avait vu ou entendu quelqu’un rôder sous sa fenêtre. Elle ne s’était aperçue de rien, mais elle me raconta que, vers le coucher du soleil, un homme de fort mauvaise mine était entré chez elle pour allumer sa pipe, sans trop demander la permission. Il n’avait pourtant montré aucune hostilité, et même, en voyant le père Floche se traîner à son lit, il s’était approché de Morena, que la mère Floche tenait dans ses bras ; il l’avait beaucoup regardée, offrant de la bercer pendant qu’elle-même aiderait son mari à se coucher ; il avait fait cette offre d’un ton fort doux.

— Mais il avait une si vilaine figure et un regard si faux, ajouta la vieille, que je n’ai pas osé lui confier l’enfant et que je l’ai engagé même à ne pas nous déranger plus longtemps. Alors il s’est mis à rire, en disant :