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du cœur m’était rendue. J’avais été sevré de celle-ci depuis deux ans : il me semblait bien avoir le droit de la savourer pendant quelques jours.

— Quelques jours ! disait Roque indigné. Ne dirait-on pas que monsieur compte vivre plusieurs siècles ! et il mourra peut-être samedi ou dimanche. Il mourra sans avoir appris ce qu’on peut apprendre dans une semaine, c’est-à-dire un monde, un des mondes dont se compose le monde infini de la science.

Roque prêchait d’exemple. Dans ses vacances, il avait appris le sanscrit ; il appelait cela respirer l’air natal et se retremper à la campagne.

Il blâma l’adoption de Morena ; il eut pour le faire toutes les raisons qui m’avaient fait hésiter. Il fut sourd à celles qui m’avaient vaincu ; ce qui ne l’empêcha pas de trouver la petite fille ravissante et de donner de fort bons conseils sur la manière de soigner son développement physique.

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VIII


Nous sommes encore une fois privés de souvenirs personnels de Stéphen ; mais, comme c’est à cette même époque que nous avons connu intimement les principaux personnages de cette histoire, nous pourrons raconter très-fidèlement ce qui manque dans son récit.

Madame Marange et sa fille occupaient à Paris une maison qu’elles avaient achetée rue de Courcelles ; leur genre de vie y était à peu près le même qu’à la campagne ; elles y avaient un grand et beau jardin qui les isolait du voisinage et leur per-