Page:Sand - La Filleule.djvu/98

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vieux amis, souriante, affectueuse, et ne m’aimant pas plus qu’elle n’aime Morena ou même la brebis noire.

De l’amour ! est-ce de l’amour que j’ai pour elle ? Je ne sais pas ce que c’est que l’amour, moi ; je suis trop jeune, ou j’ai vécu trop absorbé par ma mère. Le premier jour que j’ai vu Anicée, c’est à ma mère que j’ai songé, c’est sa mère que j’ai regardée. L’amour peut-il exister sans l’espérance du retour ? Et là où il n’y a pas d’espérance, le désir peut-il naître ? Elle m’aime comme son frère. Elle a raison : je l’aime tant, cette sœur-là !

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X


reprise du récit de stéphen.


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Si j’avais pu la voir toujours, si sa mère m’eût invité à la suivre à la campagne, des mois, des ans, la vie peut-être, se fussent écoulés sans que j’eusse la conscience nette de ma passion. En cela, grâce à Dieu, sa mère se trompa : la meilleure sauvegarde entre deux êtres parfaitement purs et enthousiastes, c’est le respect, l’espèce de crainte qu’ils s’inspirent l’un à l’autre en se voyant responsables devant Dieu de la liberté qu’on leur laisse.

Madame Marange crut devoir nous séparer. Avait-elle lu dans le cœur de sa fille une préférence trop marquée pour moi ? Ah ! la plus sage des mères est donc imprudente parfois, puis-