Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/113

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s’est éclairci les idées avec une petite pointe de vin. Germain fut mortifié qu’on le supposât déjà amoureux, et l’air maniéré de la veuve, qui baissa les yeux en souriant, comme une personne sûre de son fait, lui donna l’envie de protester contre sa prétendue défaite ; mais il craignit de paraître incivil, sourit et prit patience.

Les galants de la veuve lui parurent trois rustres. Il fallait qu’ils fussent bien riches pour qu’elle admît leurs prétentions. L’un avait plus de quarante ans et était quasi aussi gros que le père Léonard ; un autre était borgne et buvait tant qu’il en était abruti ; le troisième était jeune et assez joli garçon ; mais il voulait faire de l’esprit et disait des choses si plates que cela faisait pitié. Pourtant la veuve en riait comme si elle eût admiré toutes ces sottises et, en cela, elle ne faisait pas preuve de goût. Germain crut d’abord qu’elle en était coiffée ; mais bientôt il s’aperçut qu’il était lui-même encouragé d’une manière particulière et qu’on souhaitait qu’il se livrât davantage. Ce lui fut une raison pour se sentir et se montrer plus froid et plus grave.

L’heure de la messe arriva, et on se leva de table pour s’y rendre ensemble. Il fallait aller jusqu’à Mers, à une bonne demi-lieue de là, et Germain était si fatigué qu’il eût fort souhaité avoir le temps de faire un somme auparavant ; mais il n’avait pas coutume