Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/126

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— Oui, dit la vieille, il s’y est noyé un petit enfant !

Germain frémit de la tête aux pieds ; mais heureusement, la vieille ajouta :

— Il y a bien longtemps de ça ; en mémoire de l’accident on y avait planté une belle croix ; mais, par une belle nuit de grand orage, les mauvais esprits l’ont jetée dans l’eau. On peut en voir encore un bout. Si quelqu’un avait le malheur de s’arrêter ici la nuit, il serait bien sûr de ne pouvoir jamais en sortir avant le jour. Il aurait beau marcher, marcher, il pourrait faire deux cents lieues dans le bois et se retrouver toujours à la même place. — L’imagination du laboureur se frappa malgré lui de ce qu’il entendait, et l’idée du malheur qui pouvait arriver, pour achever de justifier les assertions de la vieille femme, s’empara si bien de sa tête, qu’il se sentit froid par tout le corps. Désespérant d’obtenir d’autres renseignements, il remonta à cheval et recommença à parcourir le bois en appelant Pierre de toutes ses forces, et en sifflant, faisant claquer son fouet, cassant les branches pour remplir la forêt du bruit de sa marche, écoutant ensuite si quelque voix lui répondait ; mais il n’entendait que la cloche des vaches éparses dans les taillis et le cri sauvage des porcs qui se disputaient la glandée.

Enfin Germain entendit derrière lui le bruit d’un cheval qui courait sur ses traces, et un homme entre deux âges, brun, robuste, habillé comme un demi-