Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/139

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tout ce qui lui avait trotté par la tête et ne songea plus qu’à jouer avec ses frères et à faire l’homme avec les bœufs et les chevaux.

Germain essaya d’oublier aussi, en se replongeant dans le travail ; mais il devint si triste et si distrait, que tout le monde le remarqua. Il ne parlait pas à la petite Marie, il ne la regardait même pas ; et pourtant, si on lui eût demandé dans quel pré elle était et par quel chemin elle avait passé, il n’était point d’heure du jour où il n’eût pu le dire s’il avait voulu répondre. Il n’avait pas osé demander à ses parents de la recueillir à la ferme pendant l’hiver, et pourtant, il savait bien qu’elle devait souffrir de la misère. Mais elle n’en souffrit pas et la mère Guillette ne put jamais comprendre comment sa petite provision de bois ne diminuait point, et comment son hangar se trouvait rempli le matin lorsqu’elle l’avait laissé presque vide le soir. Il en fut de même du blé et des pommes de terre. Quelqu’un passait par la lucarne du grenier et vidait un sac sur le plancher sans réveiller personne et sans laisser de traces. La vieille en fut à la fois inquiète et réjouie ; elle engagea sa fille à n’en point parler, disant que si on venait à savoir le miracle qui se faisait chez elle, on la tiendrait pour sorcière. Elle pensait bien que le diable s’en mêlait, mais elle n’était pas pressée de se brouiller avec lui en appelant les exorcismes du curé sur sa maison ; elle se disait qu’il serait