Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/201

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des yeux sa compagne, s’arme d’une corde et d’un bâton, et court après elle. On le fait courir, on se cache, on passe la femme de l’un à l’autre, on essaye de la distraire et de tromper le jaloux. Ses amis s’efforcent de l’enivrer. Enfin il rejoint son infidèle et veut la battre. Ce qu’il y a de plus réel et de mieux observé dans cette parodie des misères de la vie conjugale, c’est que le jaloux ne s’attaque jamais à ceux qui lui enlèvent sa femme. Il est fort poli et prudent avec eux, il ne veut s’en prendre qu’à la coupable, parce qu’elle est censée ne pouvoir lui résister.

Mais au moment où il lève son bâton et apprête sa corde pour attacher la délinquante, tous les hommes de la noce s’interposent et se jettent entre les deux époux. Ne la battez pas ! ne battez jamais votre femme ! est la formule qui se répète à satiété dans ces scènes. On désarme le mari, on le force à pardonner, à embrasser sa femme, et bientôt il affecte de l’aimer plus que jamais. Il s’en va bras dessus, bras dessous avec elle, en chantant et en dansant, jusqu’à ce qu’un nouvel accès d’ivresse le fasse rouler par terre : et alors recommencent les lamentations de la femme, son découragement, ses égarements simulés, la jalousie du mari, l’intervention des voisins et le raccommodement. Il y a dans tout cela un enseignement naïf, grossier même, qui sent fort son origine moyen âge, mais qui fait toujours impression, sinon sur les mariés,