Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/89

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une intention un peu moqueuse ; il y a tant de gens qui seraient heureux d’en avoir une !

— Eh bien, si je ne suis pas capable d’en avoir cinquante, j’en ai du moins une qui ne me lâche pas depuis une heure.

— Et je vas vous la dire, ainsi que celles que vous aviez auparavant.

— Eh bien ! oui, dis-la si tu la devines, Marie ; dis-la-moi toi-même, ça me fera plaisir.

— Il y a une heure, reprit-elle, vous aviez l’idée de manger… et à présent vous avez l’idée de dormir.

— Marie, je ne suis qu’un bouvier, mais vraiment tu me prends pour un bœuf. Tu es une méchante fille, et je vois bien que tu ne veux point causer avec moi. Dors donc, cela vaudra mieux que de critiquer un homme qui n’est pas gai.

— Si vous voulez causer, causons, dit la petite fille en se couchant à demi auprès de l’enfant, et en appuyant sa tête contre le bât. Vous êtes en train de vous tourmenter, Germain, et en cela vous ne montrez pas beaucoup de courage pour un homme. Que ne dirais-je pas, moi, si je ne me défendais pas de mon mieux contre mon propre chagrin ?

— Oui, sans doute, et c’est là justement ce qui m’occupe, ma pauvre enfant ! Tu vas vivre loin de tes parents et dans un vilain pays de landes et de marécages, où tu attraperas les fièvres d’automne, où les