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iv
préface

temporains. Quand ils s’égarent, nous sommes troublés ; quand ils se perdent, nous désespérons ; quand ils souffrent, nous ne pouvons être tranquilles et heureux. La nuit est belle, dis-tu, et les étoiles brillent. Sans doute, et cette sérénité des cieux et de la terre est l’image de l’impérissable vérité dont les hommes ne peuvent tarir ni troubler la source divine. Mais, tandis que nous contemplons l’éther et les astres, tandis que nous respirons le parfum des plantes sauvages, et que la nature chante autour de nous son éternelle idylle, on étouffe, on languit, on pleure, on râle, on expire dans les mansardes et dans les cachots. Jamais la race humaine n’a fait entendre une plainte plus sourde, plus rauque et plus menaçante. Tout cela passera et l’avenir est à nous, je le sais ; mais le présent nous décime. Dieu règne toujours ; mais, à cette heure, il ne gouverne pas.

— Fais un effort pour sortir de cet abattement, me dit mon ami. Songe à ton art et tâche de retrouver quelque charme pour toi-même dans les loisirs qu’il t’impose.

— L’art est comme la nature, lui dis-je : il est toujours beau. Il est comme Dieu, qui est