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vii
préface

une harmonie bienfaisante qui pénétrera vos âmes d’un religieux soulagement. Il n’en faut même pas tant ; le chant de l’oiseau, le bruissement de l’insecte, le murmure de la brise, le silence même de la nature, toujours entrecoupé de quelques mystérieux sons d’une indicible éloquence. Si ce langage furtif peut arriver jusqu’à votre oreille, ne fût-ce qu’un instant, vous échappez par la pensée au joug cruel de l’homme, et votre âme plane librement dans la création. C’est là que règne ce charme souverain qui est véritablement la possession commune, dont le pauvre jouit souvent plus que le riche, et qui se révèle à la victime plus volontiers qu’au bourreau.

— Tu vois bien, me dit mon ami, que, tout affligés et malheureux que nous sommes, on ne peut nous ôter cette douceur d’aimer la nature et de nous reposer dans sa poésie. Eh bien, puisque nous ne pouvons plus donner que cela aux malheureux, faisons encore de l’art comme nous l’entendions naguère, c’est-à-dire célébrons tout doucement cette poésie si douce ; exprimons-la, comme le suc d’une plante bienfaisante, sur les blessures de l’huma-