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la petite fadette

Et ils restèrent un moment sans parler, car la petite Fadette avait l’esprit envolé à des idées que Landry ne connaissait point ; et quant à lui, malgré qu’il en eût un peu d’embrouillement dans la tête, il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir du plaisir à entendre cette fille ; car jamais il n’avait entendu une voix si douce et des paroles si bien dites que les paroles et la voix de la Fadette dans ce moment-là.

— Écoute, Landry, lui dit-elle, je suis plus à plaindre qu’à blâmer ; et si j’ai des torts envers moi-même, du moins n’en ai-je jamais eu de sérieux envers les autres ; et si le monde était juste et raisonnable, il ferait plus d’attention à mon bon cœur qu’à ma vilaine figure et à mes mauvais habillements. Vois un peu, ou apprends si tu ne le sais, quel a été mon sort depuis que je suis au monde. Je ne te dirai point de mal de ma pauvre mère qu’un chacun blâme et insulte, quoiqu’elle ne soit point là pour se défendre, et sans que je puisse le faire, moi qui ne sais pas bien ce qu’elle a fait de mal, ni pourquoi elle a été poussée à le faire. Eh bien ! le monde est si méchant, qu’à peine ma mère m’eut-elle délaissée, et comme je la