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la petite fadette

père par sa tristesse, il ne voulait pas le fâcher et lui faire tort par sa lâcheté. Il se mettait donc à l’ouvrage, et travaillait de colère contre lui-même. Aussi en prenait-il souvent plus qu’il ne pouvait en supporter ; et le lendemain il était si las qu’il ne pouvait plus rien faire.

— Ce ne sera jamais un fort ouvrier, disait le père Barbeau ; mais il fait ce qu’il peut, et quand il peut, il ne s’épargne même pas assez. C’est pourquoi je ne veux point le mettre chez les autres ; car, par la crainte qu’il a des reproches et le peu de force que Dieu lui a donné il se tuerait bien vite, et j’aurais à me le reprocher toute ma vie.

La mère Barbeau goûtait fort ces raisons-là et faisait tout son possible pour égayer Sylvinet. Elle consulta plusieurs médecins sur sa santé et ils lui dirent, les uns qu’il fallait le ménager beaucoup, et ne plus lui faire boire que du lait, parce qu’il était faible ; les autres, qu’il fallait le faire travailler beaucoup et lui donner du bon vin, parce qu’étant faible, il avait besoin de se fortifier. Et la mère Barbeau ne savait lequel écouter, ce qui arrive toujours quand on prend plusieurs avis.