Page:Sand - La Ville noire.djvu/209

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en sortant de ses mains, quelque chose d’actif et d’inépuisable qui doit fleurir et fructifier sous ses yeux. »

Ainsi rêvait le jeune homme, se traduisant à lui-même ses propres pensées sous une forme qui n’avait pas besoin de mots pour en peindre les vives images. Il avait oublié la veuve, mais il se sentait devenir amoureux de la campagne. Il se rappelait ses premiers ans, sa pauvre vallée pierreuse, les chèvres aux flancs creux pendues aux buissons, sa misère, ses pieds nus et son ignorance du mieux, si pleine de douceurs et d’incurie. « Pourquoi ne suis-je pas resté ainsi ? se disait-il : je n’aurais certes pas tant souffert ! Tout ce que j’ai acquis m’a rendu avide de ce que je ne pouvais pas acquérir. Et à présent, si je pouvais oublier ce que j’ai vécu et me contenter du travail sans ardeur, de l’amitié sans amour, de l’avenir sans imprévu, je redeviendrais calme sous ce grand ciel pur et sur cette terre bénie. Je me ferais encore des joies d’enfant de la plus simple chose : la naissance d’un agneau sur ma paille, le chant d’une poule dans ma cour, la