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refermer. Cependant Amélie ne convint pas de sa faiblesse, et reprit assez vite son sang-froid pour railler madame de Kleist, qui était presque en convulsions, et pour lui faire, sur sa lâcheté et son manque d’égards, des reproches très-amers. La bonté compatissante de Consuelo, qui souffrait de l’état violent de la favorite, ramena quelque pitié dans le cœur de la princesse. Elle daigna s’apercevoir que madame de Kleist était incapable de l’entendre, et qu’elle était pâmée sur un sofa, la figure enfoncée dans les coussins. L’horloge sonna trois heures avant que cette pauvre personne eût parfaitement repris ses esprits ; sa terreur se manifestait encore par des larmes. Amélie était lasse de n’être plus princesse, et ne se souciait plus de se déshabiller seule et de se servir elle-même, outre qu’elle avait peut-être l’esprit frappé de quelque pressentiment sinistre. Elle résolut donc de garder madame de Kleist jusqu’au jour.

« Jusque-là, dit-elle, nous trouverons bien quelque prétexte pour colorer l’affaire, si mon frère en entend parler. Quant à toi, Porporina, ta présence ici serait bien plus difficile à expliquer, et je ne voudrais pour rien au monde qu’on te vît sortir de chez moi. Il faut donc que tu te retires seule, et dès à présent, car on est fort matinal dans cette chienne d’hôtellerie. Voyons, de Kleist, calme-toi, je te garde, et si tu peux dire un mot de bon sens, explique-nous par où tu es entrée et dans quel coin tu as laissé ton chasseur, afin que la Porporina s’en serve pour retourner chez elle. »

La peur rend si profondément égoïste, que madame de Kleist, enchantée de ne plus avoir à affronter les terreurs de la galerie, et se souciant fort peu de l’angoisse que Consuelo pourrait éprouver en faisant seule ce trajet, retrouva toute sa lucidité pour lui expliquer le chemin qu’elle avait à prendre et le signal qu’elle aurai