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« Vous voulez parler de l’abbesse de Quedlimbourg, dit M. de Saint-Germain. Eh bien, voulez-vous croire à ma parole d’honneur ?

— Je n’ai pas le droit de la révoquer en doute, répondit la Porporina.

— Je vous donne donc ma parole d’honneur, reprit le comte, que la princesse ne m’a pas dit un mot de vous, par la raison que jamais je n’ai eu l’avantage d’échanger une seule parole avec elle, non plus qu’avec sa confidente madame de Kleist.

— Cependant, monsieur, vous avez des rapports avec elle, au moins indirectement ?

— Quant à moi, tous ces rapports consistent à lui faire passer les lettres de Trenck et à recevoir les siennes pour lui par des tiers. Vous voyez que sa confiance en moi ne va pas bien loin, puisqu’elle se persuade que j’ignore l’intérêt qu’elle prend à notre fugitif. Du reste, cette princesse n’est point perfide ; elle n’est que folle, comme les natures tyranniques le deviennent lorsqu’elles sont opprimées. Les serviteurs de la vérité ont beaucoup espéré d’elle, et lui ont accordé leur protection. Fasse le ciel qu’ils n’aient point à s’en repentir !

— Vous jugez mal une princesse intéressante et malheureuse, monsieur le comte, et peut-être connaissez-vous mal ses affaires. Quant à moi, je les ignore…

— Ne mentez pas inutilement, Consuelo. Vous avez soupé avec elle la nuit dernière, et je puis vous dire toutes les circonstances. »

Ici le comte de Saint-Germain rapporta les moindres détails du souper de la veille, depuis les discours de la princesse et de madame de Kleist jusqu’à la parure qu’elles portaient, le menu du repas, la rencontre de la balayeuse, etc. Il ne s’arrêta pas là, et raconta de même la visite que le roi avait faite le matin à notre héroïne,