« Eh bien, l’as-tu interrogée ? As-tu trouvé moyen de la faire parler ?
— Pas plus qu’une borne, répondit le baron.
— Lui as-tu fait entendre que je pardonnerais tout, si elle voulait seulement me dire ce qu’elle sait de la balayeuse, et ce que Saint-Germain lui a dit ?
— Elle s’en soucie comme de l’an quarante.
— L’as-tu effrayée sur la longueur de sa captivité ?
— Pas encore. Votre Majesté m’avait dit de la prendre par la douceur.
— Tu l’effraieras en la reconduisant.
— J’essaierai, mais je ne réussirai pas.
— C’est donc une sainte, une martyre ?
— C’est une fanatique, une possédée, peut-être le diable en cotillons.
— En ce cas, malheur à elle ! je l’abandonne. La saison de l’opéra italien finit dans quelques jours ; arrange-toi pour qu’on n’ait plus besoin de cette fille jusque-là, et que je n’entende plus parler d’elle jusqu’à l’année prochaine.
— Un an ! Votre Majesté n’y tiendra pas.
— Mieux que ta tête ne tient sur ton cou, Pœlnitz ! »
Pœlnitz avait assez de motifs de ressentiment contre la Porporina pour saisir cette occasion de se venger. Il n’en fit rien pourtant ; son caractère était éminemment lâche, et il n’avait la force d’être méchant qu’avec ceux qui s’abandonnaient à lui. Pour peu qu’on le remît à sa place, il devenait craintif, et on eût dit qu’il éprouvait un respect involontaire pour ceux qu’il ne réussissait pas à tromper. On l’avait vu même se détacher de ceux qui