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« Eh bien, l’as-tu interrogée ? As-tu trouvé moyen de la faire parler ?

— Pas plus qu’une borne, répondit le baron.

— Lui as-tu fait entendre que je pardonnerais tout, si elle voulait seulement me dire ce qu’elle sait de la balayeuse, et ce que Saint-Germain lui a dit ?

— Elle s’en soucie comme de l’an quarante.

— L’as-tu effrayée sur la longueur de sa captivité ?

— Pas encore. Votre Majesté m’avait dit de la prendre par la douceur.

— Tu l’effraieras en la reconduisant.

— J’essaierai, mais je ne réussirai pas.

— C’est donc une sainte, une martyre ?

— C’est une fanatique, une possédée, peut-être le diable en cotillons.

— En ce cas, malheur à elle ! je l’abandonne. La saison de l’opéra italien finit dans quelques jours ; arrange-toi pour qu’on n’ait plus besoin de cette fille jusque-là, et que je n’entende plus parler d’elle jusqu’à l’année prochaine.

— Un an ! Votre Majesté n’y tiendra pas.

— Mieux que ta tête ne tient sur ton cou, Pœlnitz ! »


XVII.

Pœlnitz avait assez de motifs de ressentiment contre la Porporina pour saisir cette occasion de se venger. Il n’en fit rien pourtant ; son caractère était éminemment lâche, et il n’avait la force d’être méchant qu’avec ceux qui s’abandonnaient à lui. Pour peu qu’on le remît à sa place, il devenait craintif, et on eût dit qu’il éprouvait un respect involontaire pour ceux qu’il ne réussissait pas à tromper. On l’avait vu même se détacher de ceux qui